Gainsbourg (vie héroïque)

Presque vingt ans que Gainsbarre a grillé sa dernière gitane, et, au fil des ans, on avait presque oublié l’artiste tant ses frasques télévisuelles ont pris le dessus (le billet de 500 francs brûlé en direct, les cochonneries susurrées à l’oreille de Whitney Houston…). Des images que n’importe quel réalisateur n’aurait pas hésité à utiliser, quitte à sombrer dans la caricature. Tous sauf Joann Sfar, qui avec Gainsbourg (vie héroïque) évite un grand nombre d’écueils propres au biopic musical – genre casse-gueule sur lequel plus d’un réalisateur a mordu la poussière. Pour sa première réalisation, ce scénariste, auteur de bande-dessinée, signe un film sensible, poétique et inventif. La vie de Gainsbourg qu’il nous conte est celle qu’il a rêvée, lui, l’admirateur du chanteur depuis toujours. Un savant mélange entre faits avérés et imaginés qui nous font découvrir le parcours de Lucien Ginsburg, fils d’immigrés russes, de son enfance jusqu’aux années 80.

On ne va pas tourner autour du pot : la partie la plus intéressante du film est celle qui s’attarde sur le Gainsbourg qu’on connaît le moins, à savoir son enfance pendant la guerre et ses débuts. Gainsbourg musicien, ce n’était pas une évidence. Il avait d’abord l’ambition d’être peintre, on le sait. Mais surtout, coincé et timide, l’auteur de Je t’aime moi non plus a mis du temps à s’affranchir de l’académisme musical qui le paralysait. De jolies trouvailles de réalisations, comme un double du chanteur (la fameuse marionnette) ou de petites scènes d’animations, viennent tracer avec subtilité les contours d’un artiste à part. Outre ces bonnes idées, le film tient d’abord grâce à l’interprétation magistrale d’Eric Elmosnino qui incarne Gainsbourg sans chercher à l’imiter. Une performance étonnante qui nous fait oublier l’original, notamment grâce à un détachement et une nonchalance toutes gainsbouriennes. Les rôles secondaires sont tout aussi excellents, au premier rang desquels Lucy Gordon (Jane Birkin) et Anna Mouglalis (Juliette Greco). Sans oublier un Philippe Katerine à mourir de rire dans le rôle de Boris Vian. Reste le cas Casta… S’il n’y a plastiquement rien à redire – son apparition en cuissarde et fourrure restera sûrement comme l’une des scènes les plus marquantes -, son interprétation de Bardot est extrêmement scolaire et caricaturale. Et que dire de cette scène de danse surjouée, qui tombe comme un cheveu sur la soupe…

A partir de la rencontre avec Birkin, le film rame un peu. Peut-être parce que la période est plus familière, ou parce le film est construit comme un crescendo, jusqu’à l’épisode Bardot. Le constat est paradoxal, car la période qui s’ouvre alors est musicalement la plus riche dans la vie de Gainsbourg. Birkin aura été une muse et une inspiratrice à laquelle le film rend finalement moyennement hommage. Et quid de la musique, justement, souvent le parent pauvre du biopic musical ? Dire que celui-ci n’échappe pas à la règle serait une belle exagération. C’est un compromis, et comme tout compromis, il n’est qu’à moitié satisfaisant, même si les interprétations des comédiens tiennent la route. Qu’à cela ne tienne, on réécoutera les versions originales après avoir vu le film de Sfar.
Alors, à voir absolument, ce film dont on parle tellement? Affirmatif.


Gainsbourg (Vie héroïque) 2010

réalisé par Joann Sfar
avec Eric Elmosnino, Lucy Gordon, Laetitia Casta…

Ce Roman russe qui n’est pas un roman…

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