Fidèle à son image de gentleman-writer, c’est avec beaucoup de gentillesse que Philippe Jaenada a répondu au questionnaire que je lui ai envoyé. L’écrivain, vous le connaissez tous – je ne vous ferais donc pas l’affront de vous présenter l’auteur de l’hyper-culte Chameau sauvage.
Si j’ai demandé à Philippe Jaenada de participer à la playlist, c’est parce qu’il donne l’impression d’être un écrivain à part dans le microcosme littéraire. En effet, ses écrits laissent transparaître l’image d’un homme éminemment sympathique et chaleureux, semblable en cela aux héros qu’il met en scène dans ses ouvrages. Alors que Plage de Manaccora, 16h30vient tout juste de paraître, les bonnes critiques sur son sixième roman fleurissent déjà un peu partout, sur le net comme ailleurs.Un livre dont on aura certainement l’occasion de reparler sur ce blog, mais pour l’instant place à la playlist.
Livres cultes
1. Don Quichotte – Miguel Cervantès
Exactement ce que j’ai envie de faire quand j’écris : prendre un personnage isolé, mal à l’aise, inadapté, et le lancer dans le monde terrible pour voir ce que ça donne.
2. Le Postier – Charles Bukowski
Je dis Le Postier un peu au pif, mais tous les livres de Bukowski font partie de mes “livres cultes”. C’est l’écrivain absolu pour moi (pas le romancier, hein, l’écrivain), la classe pure, la beauté qui sort de lui, d’un être humain moche et déglingué, comme du miel coulerait de la bouche d’un vieux rat d’égout.
3. A la recherche du temps perdu – Marcel Proust
Pas la peine de vraiment développer, je pense. C’est toute l’âme humaine sur papier.
4. Voyage au bout de la nuit – Louis-Ferdinand Céline
Pour le style, le déséquilibre, la force chaotique.
5. Baise-moi – Virginie Despentes
Le seul auteur français qui met vraiment de la vie dans l’encre, de la vie rageuse. Ou qui a de l’encre dans les veines, je ne sais pas bien.
6. Rue barbare – David Goodis
Et quasiment tous ses autres romans. Pour leur force sombre et troublante.
7. Last exit to Brooklyn – Hubert Selby Jr
Un poème, un tableau, je ne sais pas. Une parfaite adéquation entre la vie et l’écriture.
8. Gatsby le magnifique – F. S. Fitzgerald
J’aurais aussi pu choisir Tendre est la nuit. Voilà un type qui m’émeut profondément.
9. Le château – Franz Kafka
10. L’attrape-coeur – J.D. Salinger, Le Maître et Marguerite – Mikhaïl Boulgakov
Et d’autres encore, bien sûr…
Ecrivain préféré
Tous ceux que j’ai cités au-dessus, mais s’il faut n’en choisir qu’un, Bukowski. J’ai longtemps résisté avant de le lire. Je le prenais pour une sorte de provocateur creux, de gros poivrot crado qui vomissait sur sa machine à écrire. Et quand je suis parti m’enfermer dans une maison en Normandie pour écrire mon premier roman, j’ai emporté plein de livres, dont les Contes de la folie ordinaire, en me disant que puisque j’avais le temps, je pouvais essayer quand même. Ça m’a retourné, et tous les autres aussi. Pour tout un tas de raisons. Je l’aime, Bukowski, vraiment, d’amour. Et puis c’est l’exemple parfait de quelque chose que je trouve très beau et utile : se débrouiller, en ne parlant que de soi, en se regardant dans une glace, en n’utilisant que les pauvres petites armes dont chaque être humain dispose, pour évoquer tout le reste, tous les hommes, le monde, l’humanité. Partir du gros ventre et des beuveries d’un ivrogne isolé pour atteindre l’universel.
Un héros littéraire que vous auriez rêvé de créer
Don Quichotte, sans hésiter une seconde. Il incarne toute la vie à lui tout seul.
Le livre que vous lisez actuellement
En pièces détachées, d’Ed McBain. Je l’ai choisi simplement parce que je ne lis depuis deux ans que des polars américains des années 40 et 50, en particulier David Goodis, Jim Thompson, Ed McBain et W.R. Burnett. J’aime, ça me passionne et ça me touche, je n’ai pour l’instant rien envie de lire d’autre.
Dernier coup de cœur littéraire
Franz Bartelt. Un auteur français que je trouve très injustement méconnu. Drôle et profond.
Un livre que vous aimez offrir
La vie devant soi, de Gary-Ajar, en n’importe quelle circonstance. Parce que c’est un roman qui est accessible à tout le monde, qui peut toucher tout le monde et faire sourire tout le monde. On est sûr de ne pas se tromper, quand on l’offre en cadeau.
Une première phrase de roman idéale
“C’était l’hiver et il faisait nuit.” C’est la première phrase de La position du tireur couché, de Manchette. D’abord parce que je me rends compte que j’ai oublié de citer un livre de Manchette dans mes “cultes”, ensuite parce que question phrase d’ouverture, on peut dire que ça pose son livre et qu’on sait à quoi s’attendre.
Playlist #1 : Georges Flipo.
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